Un mouvement brownien est une fonction réelle B sur [0,1], aléatoire, gaussienne (au sens où toutes les marginales sont conjointement gaussiennes), centrée, et de covariance E[BsBt]=min(s,t). Le fait qu'une telle chose existe n'est pas une évidence et c'est un passage obligé de tous les cours de M2; la construction ci-dessous est relativement classique, c'est une généralisation de celle de Lévy. Elle a le mérite d'être assez visuelle et de donner directement une limite continue, alors que d'autres constructions (notamment la construction abstraite L2) nécessitent de justifier la continuité en utilisant des résultats plus techniques comme le lemme de continuité de Kolmogorov.
Soit φ une ondelette-mère, c'est-à-dire une fonction continue dont le support est [0,1], vérifiant
∫ψ(x)dx=0∫∣ψ(x)∣2dx=1.
Si cette ondelette possède certaines propriétés, il est possible de définir une base de L2(0,1) en variant l'échelle et la position de cette ondelette. Pour cela, on pose φ0=1,φ1=ψ, et pour chaque échelle j⩾2,
φj,k(x)=22j−1ψ(2j−1x−k)k=0,1,2,…,2j−1−1.
La famille des (φj,k) forme une base orthonormale de L2(0,1).
Les conditions garantissant ce résultat sont par exemple lisibles dans le livre de Yves Meyer.
Maintenant, on se donne une famille Xj,k de variables aléatoires gaussiennes standard indépendantes et on pose
Btj=k=0∑2j−1−1Xj,k∫0tφj,k(x)dx.
Il faut interpréter Bj comme la variation du mouvement brownien à l'échelle 2j. Le mouvement brownien est la somme de toutes ces variations, à savoir Bt0+Bt1+…. Évidemment, il faut vérifier que cette somme est bien définie.
Théorème d'existence du mouvement brownien.
La somme Bt=∑j=0∞Btj est presque sûrement uniformément convergente sur [0,1] et sa limite est un mouvement brownien.
On aura besoin du résultat suivant: P-presque sûrement, pour toute échelle j suffisamment grande on a
k⩽2j−1−1max∣Xj,k∣≤j.
Démonstration. Une variable gaussienne standard vérifie P(X>t)≤e−t2/2 pour tout t>1. En particulier si on note Aj l'événement (4), la borne de l'union donne P(Aj)⩽2j−1P(X>j)≤2j−1e−j2/2 et donc ∑P(Aj)<∞. Presque sûrement, seul un nombre fini de Aj est donc réalisée (Borel-Cantelli), ce qui montre le résultat.
Le résultat précédent dit que si j est suffisamment grand,
∣Btj∣≤jk=0∑2j−1−1∣∣∣∣∣∫0tφj,k(s)ds∣∣∣∣∣.
L'ondelette φj,k est nulle en dehors de l'intervalle (i2−j−1,(i+1)2−j−1), et son intégrale est nulle. On en déduit que si t n'est pas dans cet intervalle, alors
∫0tφj,k=∫k2−j−1(k+1)2−j−1φj,k=0.
Ainsi, dans la somme ci-dessus, seul le terme correspondant à l'intervalle dyadique contenant t n'est pas nul, et on peut le borner très simplement :
∣∣∣∣∣∫0tφj,k∣∣∣∣∣⩽∫∣φj,k∣=22j−1∣ψ∣1
où la seconde égalité résulte d'un simple changement de variables y=2j−1x. De tout cela, on déduit que ∣Btj∣⩽cj2−j/2 où c=∣ψ∣12 est une constante indépendante. Ceci étant vrai pour tout t,
Pour vérifier que B est un MB il suffit de vérifier que (1) c'est un processus gaussien (2) centré et (3) vérifiant E[BtBs]=min(t,s). Comme toute limite de lois gaussiennes est elle-même gaussienne, le point (1) est vérifié. D'autre part, on peut écrire
Bt=j=0∑∞k=0∑2j−1−1Xj,k∫0tφj,k(x)dx
où la convergence est presque sûrement uniforme, donc les interversions de séries et d'intégrales ci-dessous sont justifiées:
où ces derniers produits scalaires sont dans L2(0,1). Comme (φi,ℓ) est une base hilbertienne de cet espace, l'égalité de Parseval dit que le dernier terme est égal à
Le choix de ψ(x)=−1 si x≤1/2 et 1 si x>1/2 donne une famille (φj,k) appelée base de Haar. Elle correspond exactement à la construction géométrique utilisée par Paul Lévy, et exposée dans lui-même par exemple ici : la démonstration est exactement celle ci-dessus, la formule (1) dont il est question étant simplement la loi du brownien à savoir