Les « nombres de Super-Catalan » sont :
où et sont des nombres entiers. En 1867, Catalan propose aux étudiants de lycée de classes préparatoires de démontrer le théorème suivant (c'est dans les Nouvelles Annales Mathématiques) :
C'est pas compliqué, il suffit de vérifier que les diviseurs du dénominateur sont aussi des diviseurs du numérateur , et on peut se restreindre aux diviseurs premiers. On calcule la puissance de dans la décomposition de , la puissance de dans celle de , et on vérifie que . Il est facile de voir que la plus grande puissance de qui divise est
et donc
Reproduisez donc l'argument pour le numérateur, et obtenez
Pour terminer, vérifiez que chaque terme de cette seconde somme est plus grand que le terme correspondant dans la première, autrement dit que
C'est certainement vrai.
La démonstration précédente est un peu nulle, parce que c'est une vérification brutale. En réalité, les sont entiers parce qu'ils peuvent s'écrire sous une forme intéressante : l'identité suivante est appelée identité de Von Szily.
Démonstration. En identifiant le coefficient de dans l'identité triviale , on obtient
et il suffit de multiplier par pour tomber sur ce qu'on cherche.
Cette identité est déjà plus parlante : quand il y a des sommes de nombres combinatoires avec des , on pense tout de suite à la formule du crible. En particulier, on aimerait bien croire que les nombres comptent quelque chose...
Une interprétation combinatoire d'une suite d'entiers consiste à trouver des ensembles intéressants, disons , tels que . Typiquement, il n'est pas difficile de montrer arithmétiquement que les nombres de Catalan, les vrais, à savoir
sont des nombres entiers, mais il est beaucoup plus élégant de voir qu'ils comptent des objets bien connus, par exemple le nombre de bons parenthésages de taille . La plupart des combinatoriciens apprécient particulièrement ces démonstrations, qui sont souvent élégantes, satisfaisantes, et parfois très subtiles. Parmi les bijections combinatoires bien connues, citons les plus classiques :
compte les parties à éléments d'un ensemble à éléments
compte les suites à éléments à valeurs dans
compte les parties d'un ensemble à éléments
compte les arbres sur sommets
compte tellement de choses que Richard Stanley en a rempli un livre
Légèrement moins trivial (!), le nombre
est entier et compte le nombre de partitions planes d'une boîte de taille .
Et donc, que comptent les nombres de Super-Catalan ?
Dans la plupart des problèmes concernant l'interprétation combinatoire de nombres définis avec des quotients de factorielles, on réussit d'abord à trouver une interprétation en termes de chemins sur une grille : par exemple, compte le nombre de chemins de la grille qui partent à l'origine, qui font pas vers le haut ou la droite, et qui finissent au point . Voilà les chemins qui vont de à
Les nombres de Catalan comptent exactement les mêmes chemins, mais qui restent au-dessus de la diagonale : voici les chemins,
Mais pour les nombres de Super-Catalan, on n'a encore rien trouvé de la sorte.
Évidemment, on peut très bien faire celui qui ne comprend pas, et dire que compte le nombre d'éléments de l'ensemble . Ça n'est pas si bête, car ça pose la vraie question : qu'est-ce qu'une interprétation combinatoire ? On veut que les ensembles aient une structure plus riche que : typiquement, on demande une représentation de permettant de vérifier qu'un élément appartient à de façon algorithmiquement efficace. Igor Pak propose la définition suivante: soient des ensembles de cardilan .
Avec cette définition, les nombres de Super-Catalan ont une interprétation combinatoire à base d'ensembles de chemins construits par récurrence (voir le Théorème 4.4 dans cet article), mais il n'y a pas vraiment de description de ces ensembles, ce qui n'est guère satisfaisant...
Un article de référence d'Igor Pak sur les conjectures actuelles en combinatoire.
L'article d'Ira Gessel sur les généralisations des nombres de Catalan.
Le numéro des Annales dans lequel Catalan a posé son exercice (voir les questions p.207).
Les images des chemins viennent du site de Robert Dickau.
Et enfin, un portrait quand même très austère d'Eugène C. en 1884 par Émile Delpérée :